C’est assez bizarre de me rendre chez quelqu’un que je ne connais pas afin de lui poser des questions. Caroline me déconseille d’avertir la personne de mon passage et de tout miser sur la compassion. Ce qui lui semble naturel par son métier est loin de l’être pour moi, mais je suis motivé et je m’interdis de repartir sans rien avoir appris.Il est 9 heures lorsque je frappe à la porte. Une dame âgée d’une cinquantaine d’années m’ouvre et me sonde de bas en haut.—Bonjour Madame.—Bonjour…Elle me regarde d’un air méfiant, craignant probablement un représentant.—Vous êtes Myriam Lafarge?—Oui, je peux vous aider?—Je pense que oui, je m’appelle Adam Weiss.Me présenter ne déclenche aucune réaction particulière de sa part, sinon celle de l’interrogation.—J’ai perdu ma femme et ma fille dans un accident de voiture il y a deux ans, peut-être vous souvenez-vous?—&nb
Je laisse un message sur le répondeur de Maud pendant le trajet où je lui explique mes sérieux doutes suite à la déclaration de la femme de ménage. C’est quelques minutes plus tard que je vois qu’elle essaie de me rappeler, seulement j’arrive à la gendarmerie. Je la rappellerai.À mon entrée, je réclame aussitôt le commandant Vail. On me demande la raison et je réponds que j’ai une question urgente à lui poser. C’est le jeune homme de la dernière fois et il me reconnaît, aussi il n’insiste pas et s’en va prévenir son supérieur. Cette fois-ci, le commandant vient en personne à l’accueil.—En quoi puis-je vous aider? me demande-t-il après les salutations d’usage.—Je voudrais faire appel à vos souvenirs concernant l’accident.Le gendarme paraît gêné, puis hésite quelques secondes, avant de m’inviter à le suivre.La porte de son bureau refermée derrière moi, il s’exclame:—Ne me faites pas regretter de vous avoir lais
Nous arrivons devant le grand portail en fer forgé.—Et maintenant? demande Maud.—On fonce, répond Caroline.C’est aussi l’idée que j’ai en tête. Les filles s’agrippent tandis que j’enfonce de toutes mes forces la pédale d’accélérateur. La voiture s’immobilise après avoir repoussé de seulement quelques centimètres les lourdes portes de métal et Maud se cogne violemment la tête contre le tableau de bord.—Continue! crie-t-elle alors que du sang lui coule déjà d’une narine.Je l’écoute et enclenche la marche arrière. C’est à la troisième tentative que les articulations du portail cèdent enfin.Je stoppe la voiture devant la grande entrée et descends sans prendre le temps d’arrêter le moteur. Je cours jusqu’à la porte et la pousse, elle n’est pas verrouillée. Un homme se trouve là, dans le hall. Ce n’est pas Monsieur Fabre, j’en conclus qu’il doit s’agir de Christophe Mercier. Je n’ai pas le temps d’ouvrir la bouche
Plusieurs jours passèrent avant que toute l’affaire ne soit rendue publique. Ils ne furent pas si simples que je l’espérais. Eléanore pleurant celle qui avait été sa mère de substitution durant deux longues années, ainsi que Célia, sa maman, comme si elle ne découvrait qu’aujourd’hui qu’elle était réellement morte dans l’accident.C’est difficile de la voir souffrir. J’aimerais qu’elle soit toujours heureuse, au moins autant que je le suis de la retrouver. Seulement elle pleure sa mère comme je l’ai fait ces dernières années. Alors que c’est ensemble que nous aurions dû surmonter cette épreuve, je ne peux maintenant que compatir et la soutenir.Nous avons attendu quelques jours avant de faire revenir Sarah, et même après cela, il nous faut la tempérer afin qu’elle laisse Eléanore respirer et retrouver peu à peu une vie normale. Mais les voir jouer ensemble me fait fondre sur place. Maud suit cela avec distance, elle sait disparaître pour me laisser seul av
Liam est né en 1986. Très tôt passionné de lecture, il découvre également le plaisir de l’écriture. Il puise son inspiration dans des lectures diverses et variées allant de Stephen King à Bret Easton Ellis, en passant par son auteur favori : Boris Vian. Il débute l’écriture par quelques nouvelles qui seront éditées. Après leur publication, il s’essaie à un format plus long. Encouragé par un nouveau contrat d’édition et la publication de son roman Volatilisés, Liam intensifie l’écriture et termine quelques mois plus tard Cry for help, qui remportera le concours thriller Fyctia pour être ensuite édité chez Inceptio Éditions, maison qu’il co-fonda en 2018. La passion de la littérature lui fait prendre autant de plaisir à éditer les autres auteurs qu’à écrire soi-même, il achèvera néanmoins en 2020 son dernier thriller, Sans Elles. À mes enfants, sans qui je n’aurais su imaginer cette histoire,
Été 2018. C’est le matin, ma femme Célia s’est absentée avec notre fille Eléanore. Nous avons prévu de nous retrouver pour le déjeuner dans un restaurant du centre-ville. Je m’installe à mon bureau, un mug de café à la main. En cette fin du mois d’août, je me sens bien. Enthousiaste à l’idée de retrouver mes élèves, je m'affaire aux différentes préparations pour la réouverture de l’école que m’impose mon double rôle de professeur et directeur.Quelques minutes avant 11 heures – alors que je m’apprête à profiter des presque 30°C dehors – le téléphone sonne. «Vous êtes bien Monsieur Adam Weiss?» Je confirme. «Votre femme vient d’avoir un accident.»Le temps semble s’arrêter autour de moi puis j’ai la sensation que le sol se dérobe, que je chute, encore et encore.Mon interlocuteur le ressent, il m’interpelle et je reviens à moi. Je me concentre, retiens l’endroit puis raccroche.Mon cœur bat à tout rompre. Tel mon esprit quitt
J’arrive chez le médecin, l’air frais du mois de janvier me fait un peu de bien. À cet instant je me dis que cette sortie forcée en appellera peut-être d’autres. Puis je change d’avis en entrant. Le simple fait de devoir m’adresser à la secrétaire d’accueil me fait paniquer. Durant un instant, je sens ma température grimper en flèche et un voile couvrir ma vue. Je réussis néanmoins à me contenir et l’assistante m’invite à me rendre dans la salle d’attente. Cinq personnes s’y trouvent déjà, une femme avec son fils en bas âge, puis trois autres personnes, âgées. J’entends un « Bonjour monsieur » provenant de deux d’entre elles, seulement je ne réponds pas, je ne me sens déjà plus capable d’ouvrir la bouche ni même de relever la tête. Je reste là, assis, les yeux rivés vers le sol, attendant mon tour. Je ne saurais dire combien de temps. L’envie de me lever et de m’enfuir ne me quitte pas. J’ai envie d’un verre, d’être sur mon canapé et de remettre cela à plus tard. Mais je tiens le coup,
J’avais prévu de sortir davantage durant les jours précédant ma reprise et au lieu de cela, je suis resté chez moi. C’est donc encore désorienté et angoissé que je me rends au travail. Ce n’est pas simple, le regard des collègues sur moi me pèse et je le fuis autant que je le peux. Je sens la pitié dans chacune de leurs considérations et fais mon possible afin de me contrôler, de ne pas exploser. C’est en même temps leur apitoiement envers moi qui me fait revenir le lendemain. Je ne veux pas leur donner raison, que leur compassion soit justifiée. Je refuse d’être le reflet qu’ils me renvoient, je n’accepte pas d’inspirer de la pitié, ce n’est pas moi, ça ne peut pas être moi. J’ai toujours été plutôt fier, débordant d’assurance. C’est vrai que je ne suis plus exactement le même sans Célia et Eléanore, pour autant je reste un Homme. Seulement leur manière de me regarder, de me parler, d’excuser mes tons secs et mes explosivités soudaines me renvoie l’image d’être fragile.Alors,