Chapitre VI
La mort nous prend beaucoup mais elle nous donne aussi. Elle nous apprend ce qui est réellement important, par exemple : donner en retour après avoir passé sa vie à recevoir, courir après quelque chose qu’on n’aurait jamais dû laisser partir ou revenir sur ce qui a fait ce que nous sommes.
Auteur anonyme
Ça faisait une heure qu’Hélène s’était enfermée dans la chambre d’hôpital où reposait Boris. Le silence dans lequel ils étaient immergés était interrompu par les bruits intermittents d’une machine cardiologique. Il était relié à des câbles et des tubes oxygénifères. Son corps immobile, glacé et fade reposait sur des draps de coton. Quelques bandages recouvraient son crâne et
ChapitreVIIJe vous rappelle que la mort ne prend pas rendez-vous, alors donnez rendez-vous à votre vie.Alex Bocat—Pas la peine de t’affoler, c’est ta sœur qui m’a refilé ton adresse sur Facebook. Je lui ai dit que c’était très important. Alors, elle n’a pas hésité. Je peux savoir à quoi tu joues?Hélène garda le silence, prit une profonde inspiration et ferma les yeux. Elle était témoin de l’effondrement d’une partie d’elle-même. Elle comprit ce que c’était la douleur. La grande, la vraie douleur. Ce mal assez meurtrier qui étreint à la fois le passé, le présent et l’avenir, qui ne laisse aucune partie de la vie dans son intégrité, dénature &agr
L’avenir nous tourmente, le passé nous retient. C’est pour ces raisons que le présent nous échappe.Gustave FlaubertLorsque le malheur frappe à notre porte, nous avons l’impression que jamais plus nous ne serons heureux, jamais plus nous ne ressentirons cette légèreté que nous apportait le bonheur. On commence par s’accrocher, en se disant que ça ira mieux. On a encore cet espoir mais la tristesse l’emporte. Elle gagne la bataille, alors on rend les armes car nos efforts sont vains. On est épuisé, découragé, on se laisse aller. On coule lentement afin de bien sentir la douleur. On observe puis on s’enferme dans cette jalousie malsaine, dans notre malheur. Le temps passe et plus il s’écoule, plus notr
Chapitre I Six mois après le tragique accident Dans un cœur troublé par le souvenir, il n’y a pas de place pour l’espérance. Alfred Musset Autour d’elle, tout était si calme, si paisible. Le soleil était retombé sur la ville d’Accra avec une douceur inhabituelle. La plage était déserte et seul le doux murmure des vagues s’écrasant sur les rochers venait rompre le silence solennel qui l’entourait. Le soleil couchant dans le ciel azur se reflétait sur la mer, formant une aquarelle de couleurs luminescentes. Hélène prit une longue inspiration et emplit ses poumons de cet air marin qu’elle aimait tant. Elle errait sur la plage, songeuse. Elle avait ramené ses cheveux crépus en un chignon désordonné d’où s’échappaient quelques mèches rebelles et ses grands yeux marron cernés trahissaient la fatigue accumulée après plusieurs nuits d’insomnie. Sa vie était deven
ChapitreII Six mois plus tôt On dit que le temps apaise toute douleur, on dit que tout peut s’oublier, mais les sourires et les pleurs, par-delà les années, tordent encore les filtres de mon cœur. George Orwell Ils étaient à quelques jours de leur mariage. Ils attendaient une petite fille. Cet heureux événement était attendu avec enthousiasme. Tout avait été prévu, sauf la tempête qui s’est abattue sur eux cette nuit torrentueuse. Une panique glaçante se dessinait sur le visage médusé d’Hélène. Que se passait-il? Christophe roulait comme un forcené, faisant fi du brouillard et des gouttes de pluie qui se crachaient sur le parebrise comme des cailloux. Un véhicule noir arriva à vive allure derrière eux et elle comprit pourquoi il s’était précipité pour lui demander de faire ses valises au beau milieu de la nuit. Ils allaient foutre le camp et penaude, elle s’était co
En jean, en foulard de tissus et en blouson, Hélène contemplait le Kwame Nkrumah Mémorial Parc and Mausoleum dédié à l’un des pères précurseurs du panafricanisme: Kwame Nkrumah. Les magnifiques fontaines d’eau, la vaste verdure, les statues. C’était un parc bien conçu d’un point de vue architectural et artistique, offrant aux touristes, un musée bien fourni. Hélas, la beauté et le calme des lieux ne la consolaient pas. Égarée au milieu de temps de beauté, elle n’arrivait pas à taire le tumulte qui semonçait sa conscience. Christophe s’était infiltré pernicieusement dans sa vie et habitait chaque rue d’Accra, hantait ses pensées et torturait son âme à genoux. Les souvenirs de sa grossesse l’étaient encore plus. Regarder des enfants dans la rue pulvérisait sa q
Cette nuit-là, prisonnière du monde des songes, contrée lointaine sur laquelle elle n’avait aucune forme de contrôle, elle tomba dans la pénombre, terrifiée et perdue. Ses hurlements saccadés résonnaient dans le silence accablant qui enveloppait la chute, mais il n’y avait personne pour lui venir en aide. Elle était seule et la solitude était sa plus grande hantise. Elle la plongeait irrépressiblement dans un puits sans fin de mélancolie et de désespoir. Elle faisait souvent ce rêve étrange dans lequel elle tombait interminablement dans les profondeurs d’un gouffre obscur, sans jamais s’écraser sur le sol. La sensation de vertige qui lui tenaillait les tripes n’était pas agréable. Quand elle se réveillait, elle était saisie du sentiment angoissant d’avoir échappé de justesse à une mort affreuse. Comme chaque fois qu’elle faisait ce cauchemar, elle se réveilla avant que son corps ne se disloque sur le sol spongieux de ses angoisses les plus intimes. Le cœur pantelant
Une délicieuse odeur de café flottait dans la cuisine. Enveloppée d’un peignoir en soie bordeaux, Hélène beurrait des tartines en fredonnant, lorsque Boris la rejoignit. Son complet noir fringant et sa chemise bleu acier rehaussaient l’éclat de sa peau tannée. Il déposa un petit baiser sur les lèvres de la jeune femme, puis s’assit.—Monsieur est très élégant ce matin! lâcha Hélène, extasiée, en le caressant du regard.—La journée sera longue, annonça-t-il. Une grosse intervention chirurgicale aujourd’hui. J’ai oublié de t’en parler hier.Hélène lui servit du café. Il prit une tartine et ajouta:—Chaque fois que je dois opérer un patient, je pense à toi. Ça m’évite de paniquer. La vie d&rs
ChapitreIIIOn ne regrette pas les personnes qu’on a aimées. Ce qu’on regrette, c’est la partie de nous-mêmes qui s’en va avec elles.Lucia Etxebarria de AsteinzaSeul et perdu, Christophe avait besoin d’entendre une voix amicale. Il ne savait pas ce qui le poussait à ne pas entretenir des contacts à distance, mais il trouvait plus agréable de s’entretenir avec des personnes en face. Il affectionnait particulièrement les rencontres réelles.Ce qu’il n’avait jamais voulu affronter lui entrait à présent dans le corps. C’était comme un éblouissement ou comme une décharge électrique. Tout lui revenait. Il marchait sur la rue vide, escorté par l’écho de son pas. Frôlé par les ombres de quelques passants ivres ou