dimanche 4 décembre 2107Le lendemain matin, Khenzo m’apprend qu’au moins dix personnes ont trouvé la mort pendant la nuit, dont deux résidants des lieux. Il y aurait également quelques blessés plus ou moins sévères dans les rangs de Yasshem. Effectivement les échanges de coups de feu ont été nourris pendant deux ou trois heures, ce qui ne m’a pourtant pas empêchée de somnoler pendant tout ce temps, partagée entre inquiétude et culpabilité. Inquiétude pour ceux risquant leur vie dehors, culpabilité concernant mon inaction dans l’histoire.—Noellie est morte, m’annonce Khenzo de but en blanc, l’air fatigué.—Noellie? répété-je, ne voyant pas de qui il parle.—La fille aux cheveux frisés.J’essaye de rester impassible, mais j’avoue que la nouvelle me secoue un peu. Pas plus tard qu’hier, elle était une jeune femme pleine de vie et d’entrain et aujourd’hui…—Comment est-ce arrivé?—Deux des l
lundi 5 décembre 2107L’aube se lève à peine sur les ruines qui entourent l’entrepôt que nous sommes déjà rassemblés devant les véhicules, prêts à partir. Une brume blanchâtre nous entoure, ce qui donne un air solennel aux adieux que nous échangeons avec Yasshem et Madaline, ainsi que les quelques personnes qui ont fait l’effort de mettre leur nez dehors.Il faut dire que nous ne sommes pas restés suffisamment longtemps avec Khenzo pour réellement sympathiser avec les résidents et, pour le moment, nous sommes les seuls à faire partie du convoi de retour vers Belary, en plus des hommes de Tragord.Ce dernier a promis à Yasshem de renvoyer un autre convoi avec des camions de transport qui, à l’aller, serviront à amener les premiers équipements nécessaires à la mise en place d’un avant-poste et, au retour, rapatrieront ceux qui voudront se mettre à l’abri.Même si pour le moment je me méfie de cet homme, je dois reconnaître qu’il a le sens de l’organisat
mardi 6 décembre 2107—Xalyah!Je me réveille en sursaut en reconnaissant la voix de mon frère.—Xavier, c’est toi?Je me lève d’un bond et me colle contre la porte.—Fais-moi sortir de là!Mon frère se tient juste de l’autre côté, ses yeux verts me dévisageant avec intensité.—Malheureusement, je ne peux pas.—Comment ça tu ne peux pas? Il y a forcément un moyen.—Dès qu’Alexian m’a mis au courant, je suis allé voir le général pour essayer de désamorcer la situation, mais il n’a rien voulu savoir. Et ton altercation avec le commandant Tragord n’arrange pas tes affaires.—Mais qu’il aille se faire foutre celui-là!—Heu… Xalyah…—C’est lui qui m’a provoquée, continué-je en l’ignorant.—Ce n’est pas avec de telles paroles que vous allez sortir plus vite de là, rétorque alors l’intéressé, sortant de l’om
«Allongée dans ma cellule, je tremble des pieds à la tête. En plus d’avoir mal, j’ai froid, et une violente quinte de toux m’arrache les poumons. Je passe une main poussiéreuse et tachée de sang sur mon front en sueur. Sans doute ai-je de la fièvre. Depuis quelques jours, je me sens moins lucide, plus faible. À peine ai-je la force de tenir tête à mes geôliers pour ne pas leur donner l’impression que je baisse les bras.Mon dernier repas dans cette cantine collective remonte à une éternité. J’en ai profité juste assez pour ne pas dépérir, mais pas suffisamment pour réellement me refaire une santé. Ces cons savent vraiment ce qu’ils font.La porte s’ouvre et la lumière provenant du couloir m’aveugle momentanément. Quelqu’un m’attrape alors par le bras pour me remettre debout, mais je tiens à peine sur mes jambes.—Tiens, mon geôlier préféré, grogné-je en reconnaissant l’homme qui a l’habitude de me trimballer à droite à gauche, selon les humeurs des b
samedi 17 décembre 2107J’ouvre les yeux. Il fait sombre et les battements de mon cœur résonnent fort dans ma poitrine. Le souffle saccadé, je me tourne sur le côté, pour accrocher du regard la lumière qui passe faiblement à travers les barreaux de la lucarne et sous le seuil de la porte de ma cellule.Dix jours que je suis là. Dix putains de journées à me peler les fesses dans cette pièce humide. En plus ils m’ont mise à la diète et j’ai faim. Très faim. À en avoir mal à la tête. Je repense alors à cet enfant. Son nom? Je ne le connaissais pas. Mais jamais, jamais je n’oublierai ce qu’ils lui ont fait. Ce qu’il lui a fait.Je lève les deux mains vers mon visage et me pince l’arête du nez pour tenter de soulager la tempête qui fait rage dans ma tête. Allez ma vieille, du nerf. Ce n’est rien à côté de ce que tu as déjà subi… Quand bien même… j’aimerais que la paix et la tranquillité s’installent un peu plus souvent à mes côtés au quotidien. J’en ai ma c
dimanche 18 décembre 2107J’ai attendu toute la matinée et le début de l’après-midi. Personne n’est venu me voir et j’en viendrais presque à regretter de ne pas avoir fini mon repas hier. Alors j’ai tué le temps comme je le pouvais, récitant mentalement le nom de toutes les personnes dont Thomas m’a parlé, récapitulant tous les évènements importants de ces derniers jours pour avoir une vision globale de ce qu’il se passe.Puis sans m’en rendre compte, mes pensées m’emmènent vers le Prophète. A-t-il prédit que j’en arriverais là aujourd’hui? Y aurait-il eu un moyen de l’empêcher? À quel moment les choses auraient-elles pu être différentes si j’avais pris d’autres décisions?Je frissonne en repensant à la forme humanoïde de cette machine. Et elle, quel est son rôle dans tout ça? Est-elle juste une observatrice ou façonne-t-elle les choses à sa convenance? Je me souviens qu’elle a affirmé avoir fait circuler de
mercredi 23 novembre 2107L’aube vient de se lever et Khenzo m’attend, assis en travers de la porte d’entrée, à l’abri du vent. Surprise de voir qu’il ne m’a pas abandonnée comme il aurait été en droit de le faire après la façon dont je me suis comportée avec lui, je reste immobile. Tout en le dévisageant en silence, je plaque une main sur mon flanc pour endiguer la douleur qui irradie toujours de ma plaie par balle. Si seulement il n’y avait que cette douleur qui me fasse souffrir...—Tu as pris ta décision à ce que je vois, déclare-t-il d’une voix qui ne laisse transparaître aucune émotion.—Excuse-moi, murmuré-je, penaude.—C’est déjà fait.Il se relève et s’avance vers moi en me tendant une pomme:—Mange.Un peu décontenancée, je continue de le scruter. Il n’était pas obligé de me repêcher dans ce fleuve. Il n’était pas obligé de me retirer cette putain de balle et de me recoudre pour que je ne me
«Une fois de plus je suis traînée par terre, comme on traîne une vulgaire serpillière derrière soi. Une fois de plus, le soldat qui me tient par le bras me jette dans une pièce froide. La même que la dernière fois? Une autre? Je n’en sais rien. Tout se ressemble ici. Les cellules, les soldats, les pièces, les hommes en blouse blanche, les journées… ou les nuits… ou les heures. Je ne sais plus. J’ai perdu la notion du temps depuis un moment déjà.Dès que je peux, j’essaye de dormir, de reprendre des forces, cependant ils ne me laissent aucun répit. Chaque instant devient une bataille qu’il faut remporter pour survivre. Pour l’instant, je garde le cap. Mais pour combien de temps encore?Un autre soldat, qui patientait dans la pièce, me soulève par le col de mon t-shirt couvert de sueur et de sang et me décoche un formidable revers de main. S’il croit que je vais rester consciente de cette manière, il va falloir qu’il revoie un peu ses méth